Ambiance particulière [Private]

Pourquoi la salle de musique ? Après tout, il ne jouait d'aucun instrument… Ca n'était pas comme s'il s'était senti nostalgique du piano et qu'il s'était précipité pour en jouer. Non, ça s'était décidé totalement au hasard.

Il sortait de sa pseudo punition, quatrième jour de. Ce faisait depuis la soirée passée au coin du feu qu'il n'avait pas vu Black. Il se promenait dans les couloirs. Errait aurait été plus correct, plus approprié. Il dribblait, tranquillement, sans se presser, passant de temps en temps d'une main à l'autre, ou faisant passer la balle entre ses jambes l'air de rien. Et puis ses pas, et les couloirs l'avaient amené devant une salle à la porte entrouverte.

Curieux, il avait poussé la porte, qui avait glissé sur ses gonds sans grincer. Et puis il avait vu la salle de musique. Magnifique, imposante. Une ambiance presque magique régnait dans la pièce. C'était quelque chose d'indescriptible.

Un peu comme entrer sur un terrain de basket vide et silencieux. Il y avait une âme, dedans. Celle de tous les gens qui avaient foulé le parquet, qui s'étaient accrochés aux paniers, celle de tous les gens qui avaient encouragé, une équipe, crié, hué, sifflé.

Un peu comme entrer dans une bibliothèque calme, le silence troublé seulement par le froissement des pages tournées et les chuchotements des gens qui y étaient. Il y avait aussi une âme dans ce genre de pièce. Celle des livres lus et relus, celle des gens qui viennent rendre un livre qu'ils ont aimé, le silence qui y règne et les bruits de pas étouffés.

Ici, c'était pareil. Il y avait le silence de la pièce. Il y avait la lumière du soleil qui tombait sur certains des instruments. Il y avait les morceaux d'âme des musiciens et des gens qui avaient écouté les morceaux joués.

Il avait fait taire sa balle et l'avait posée près de la porte. Et sans savoir pourquoi, il s'était approché, restant aussi silencieux que possible, ses doigts glissants sur certains instruments exposés. Le piano, la harpe, et puis… la guitare… Depuis la soirée passée avec Black, il lui semblait que l'instrument était différent. Il toucha le bois, puis effleura les cordes, sans chercher à faire sortir le moindre son.

Et puis il décida qu'il aimait bien l'ambiance de la pièce, et il s'installa en tailleur sur l'espèce de petit banc devant le piano, et commença à lire, apaisé par l'atmosphère qui régnait ici.

En quelques jours à peine, Black avait fini par connaître les couloirs par cœur. C’était terrible, il avait l’impression de traverser l’école en croix. Enfin là, la journée de travail était ENFIN terminée. Avec tous ces événements, il n’avait pas pu se retrouver avec lui-même, au calme. Ses jours passaient trop vite, pas un instant à lui, et ses nuits… bref. Il prenait malgré tout le temps de lire chaque soir quelques passages du livre qui lui avait été offert il y a peu. Il en était devenu accro et le transportait toujours avec lui. Exactement comme la personne qui le lui avait prêté.

Juste une soirée tranquille, pour changer. Il avait entendu quelque part la mélodie d’un concerto de Beethoven, aujourd’hui. Il partit donc en quête du CD et pourquoi pas de la partition. Et l’objet de sa quête, il ne pouvait le trouver que dans la salle de musique. Il passa devant la bibliothèque et sourit malgré lui ; forcément le visage de Noa, avec tout ce qu’il avait de bouleversant mais quelque part aussi de rassurant, lui était aussitôt apparu à l’esprit. Ils ne s’étaient croisés que brièvement depuis cette soirée au coin du feu. Non pas qu’ils s’évitaient, mais ils devaient être aussi chargés de travail l’un que l’autre.

Black ralentit. Se pourrait-il qu’il se surcharge de travail pour avoir à éviter de penser à lui ? Après quelques secondes de réflexion, il trouva la pensée ridicule et repris sa vitesse de croisière. C’était vraiment idiot. Cela dit, il devait avouer qu’il lui manquait un peu quand même. La fin de semaine approchait, ils auraient le temps de se revoir.

Direction la salle de musique donc. Il arriva devant la porte et l’ouvrit doucement. Sans succès. Elle avait grincé et la salle avait été étudiée pour offrir un maximum de réverbération, un peu comme dans une église. Il espérait que la salle était vide. Encore raté. Quelqu’un assis sur le banc du piano s’était retourné. Quelqu’un qu’il connaissait.

Son cœur s’arrêta un court instant, comme trahi par la vue de cette frimousse blonde, qui se mit rapidement à arborer son sourire habituel. Il se reprit et parla.

« Monsieur Kellig-Amai, vous ici ? N’avez-vous pas des cours à étudier ? A moins que vous n’ayez pris l’option Musique récemment… »

Tout cela sur le ton de la taquinerie évidemment. Il se planta en souriant devant son ami, posé tranquillement sur le petit banc du piano dont le couvercle était rabattu sur le clavier, et essaya de deviner ce qu’il lisait. Il avait du coup oublié pourquoi il était venu ici en premier lieu.

Complètement plongé dans son livre, il avait sursauté quand la porte avait grincé, mais s'était bien vite détendu en constatant que l'intrus n'était autre que Black. Et donc, il barra dans sa tête le terme d'intrus, et le remplaça par "nouveau venu 'slash' agréable compagnie". Sourire en coin. Qui s'accentua quand Black le taquina. Décidément, avec lui, ce pion n'avait rien d'un pion. Mais ça n'était pas pour lui déplaire. D'autant plus que depuis l'affaire de la punition, Makoto se tenait à carreaux avec lui, se contentant de l'ignorer ou de renifler quand ils se croisaient dans les couloirs.

"Monsieur Berry, vous faites erreur, Kellig est mon deuxième prénom, pas mon premier nom de famille. Et quant à ce que je fais ici, j'étudie, justement." Il désigna son livre, et abandonna le ton formel. "On doit le lire pour les cours. Et parler comme ça, c'est chiant."

Il soupira et se poussa légèrement sur le banc pour faire de la place à Black. Il était toujours assis en tailleur, et portait un jean, et une superposition de t-shirts, l'un noir, et l'autre, par-dessus, vert. Il avait un bandeau dans les cheveux pour les empêcher de retomber dans ses yeux quand il lisait, ainsi penché sur son bouquin. Il rangea livre et bandeau dans sa poche, abandonnant avec plaisir l'idée de lire pour discuter avec le premier ami qu'il s'était fait depuis son arrivée ici, et… le seul, jusque là, il fallait bien le reconnaître. Mais il avait toujours été du genre à privilégier la qualité à la quantité, et en ce point, Black ne le décevait pas. Loin de là.

"Et toi, qu'est-ce que tu viens faire ici ?"

Demanda-t-il à son pion préféré, souriant toujours, à l'idée de le savoir si proche. Parce que mine de rien, pendant le laps de temps où ils ne s'étaient pas vus, il lui avait manqué. Ca n'était pas le fait de parler avec quelqu'un qui lui manquait, parce qu'il discutait avec ses camarades de classe de temps en temps. Non, c'était vraiment la présence de Black qui lui manquait, son ton léger, le mouvement de ses mains quand il parlait, et même son sourire si particulier. Il dégageait quelque chose que les autres ne dégageaient pas, quelque chose qui mettait Noa à l'aise. Quelque chose qui le faisait attendre leur prochaine rencontre avec impatience. Et là, maintenant qu'ils étaient à nouveau l'un avec l'autre, il se sentait bien, il était content. C'était facile d'être bien, avec Black.