Lili arriva, après avoir gravit les marches de l'escalier en marbre, dans un long couloir où l'obscurité régnait, bien que quelques bougies mourrantes crépitaient dans un dernier effort dans leur socle.
Le tumulte du hall, où l'on distinguait les éclats de rire, les voix, et une lointaine musique, résonnait encore ici. Elle le percevait plus comme une mélodie toute entière, bien qu'elle n'y fut pas accoutumée elle l'appréciait.
C'était comme lorsqu'on découvrait un son pour la première fois avec un instrument, il tintait d'abord étrangement à vos oreilles, puis s'enfouissait en vous comme si vous l'aviez toujours connu.
Elle ferma les yeux, s'arrêta un instant, légèrement étourdie. Elle posa sa main contre les pierres du mur, qui dégageaient une chaleur étonnante. Elle essaya de s'imprégner de ces nouvelles sensations, elle qui n'avait vécu ces derniers mois que dans l'angoisse, hérmetique à tout autre émotion. Ces pauvres bribes se révelaient en elle comme pour la première fois.
Elle rouvrit les yeux, qui avaient une fois de plus abandonné leur bleu sombre pour des prunelles vert amandes, en l'espace de quelques heures, particularité qu'aucun vampire de sa famille n'avait reçue.
Elle reprit sa marche lente, mais laissa sa main glisser contre la paroi du vieux mur, la chaleur réconfortante qui s'en échappait vint s'accrocher à ses doigts glacés, ce qui la fit frissoner.
Elle n'exprima pas son sourire sur son visage, mais ses yeux brillèrent soudainement plus intensément. Alors qu'elle était toujours perdue dans ses pensée, elle sentit un rebord plus épais du mur déformer la ligne droite et la texture lisse que parcouraient ses doigts. Ils venaient de toucher les gonds d'une porte de bois, apparament très ancienne. Ils quittèrent les reliefs rugueux de la porte pour la pousser doucement. Elle pénetra dans la salle, d'un pas timide.
Heureusement, la piece était vide. Lili ne put empêcher un soupir de soulagement de s'échapper de ses lèvres, car elle n'avait pas envie d'être désagréable dès sa première nuit dans l'établissement...
Elle observa d'un air distrait le salon : la pureté de la pièce la rendait agréable, quelques canapés étaient disposés en rond autour d'une table, mais deux autres étaient en face d'un feu ronronnant dans la cheminée. Elle eut un regard amusé à l'égard de ces flammes inutiles, mais elle apprécia finalement la beauté de leurs couleurs et l'évolution de leurs formes. Elle avança, rapprocha ses mains du foyer de chaleur, mais elle ne ressentit qu'une tiédeur humide sous ses paumes. Elle recula et se laissa tomber sur le canapé le plus proche.
Elle sortit délicatement un livre de son sac, qui n'était remplit que de ceux ci ainsi que quelques robes dont elle n'avait pu se séparer.
Elle passa ses doigts dans ses boucles, les yeux émerveillés par les mots qui défilaient sous eux. Elles les avait appris par coeur, les ayant lu tous un nombre incalculable de fois, mais elle ne s'en lassait jamais.
Elle ne retrouvait son regard et âme d'enfant que dans ces moments privilégiés de lecture, auxquels elle n'avait pas eu droit depuis le début de son voyage.
Elle avait laissé par mégarde la porte entrouverte, et elle entendit des bruits de pas venant du couloir.Elle referma le livre, qui laissa échapper une nuée de poussière, et laissa sa tête aller en arrière, contre le dossier du canapé. Elle ferma les yeux un instant, puis les rouvrit pour contempler les flammes qui dansaient devant elle.