Lecture au coin du feu [Réservé]

Il en avait eu marre de sa chambre froide, Noa, alors il était venu ici, en errant un peu dans le l'établissement. Il avait finalement trouvé le coin parfait pour lire. Pas de monde à cette heure-ci de la journée, tant mieux. Son casque vissé sur les oreilles, et la musique diffusée assez fort pour couper les sons parasites, il était entré dans la pièce agréablement chauffée.

Il laissa tomber la balle de basket qu'il avait sous le bras, et le regarda rebondir une seule fois dans un bruit étouffé par l'épaisse moquette. Il avait eu envie de bouger, faire un peu de sport. Mais là, maintenant qu'il était entré dans cette pièce là, plus question de partir. En plus, le gymnase n'était pas accessible aux élèves sans permission préalable. Et puis, un basket tout seul, c'était un peu moyen.

Mmmh, avec un soupir de bien-être, il se laissa tomber dans un des fauteuils devant la cheminée, dans laquelle un feu ronflait encore. Sortant son livre de la poche de son pantalon, il se plongea dedans, oubliant complètement le monde autour, ne s'interrompant que pour jeter une bûche sur le feu.

Il était assis de travers, les jambes passées par-dessus un des accoudoirs, et la nuque appuyée contre l'autre. Pourquoi s'asseoir normalement, hein ? C'était tellement mieux comme ça. Lire au coin du feu, avec sa musique et rien que sa musique dans les oreilles. Mmmh, oui, c'était le paradis. Un luxe qu'il n'avait jamais pu se permettre auparavant, puisqu'il n'y avait pas de cheminée dans l'appartement de ses parents. La vieille dame qui les gardait avait bien un poêle, mais bon, entre un poêle et une vraie cheminée, il y avait un monde !

Que ces couloirs étaient longs… Première journée terminée, une tonne de boulot. De la paperasse principalement. Il n’avait même pas eu le temps de jeter un œil à ses propres cours. Et encore, il n’avait pas entamé les séances de soutien…

Il sortait de la douche où il avait rencontré son frangin Straw qui avait l’air de péter la forme, comme d’habitude, et qui était avec un de ses amis aux cheveux gris. Il marchait rapidement pour jeter ses affaires dans sa chambre. Il avait enfilé un t-shirt à manches longues un peu moulant et un pantalon plutôt ample. Noirs évidemment. Il avait simplement enfilé des chaussures de sports plutôt classe et avait mis son plus beau collier de chien autour du cou.

Arrivé à la porte de sa chambre, il balança ses affaires dans sa corbeille à linge et pris sa guitare. Il n’avait qu’une hâte c’était de jouer un peu de musique pour faire sortir ses contrariétés de boulot, ses doutes et ses rêves habituels.

Il décida d’aller jouer dans le salon, il y serait tranquille, et le feu de la cheminée rend l’endroit bien plus chaleureux que la salle de musique. Il s’y dirigea donc. Il ne rencontra pas grand monde sur le trajet, à part une jolie jeune fille, qu’il avait aperçue au bureau des surveillants dans la journée. Elle lui dédia un grand sourire, qu’il lui rendit. Toujours bon à prendre.

Il arriva enfin dans le salon. Il se débarrassa de ses chaussures dans l’antichambre et entra pieds nus, sur la moquette. Le feu dégageait une chaleur vraiment agréable et séchait gentiment ses cheveux encore bien humides qui lui tombaient sur les épaules. Il s’avança dans la pièce et sentit d’un coup qu’il n’était plus seul. En effet, vautré dans son canapé, il était là. Noa.
Sa fesse droite se mit à vibrer… c’est là où il avait rangé le livre, ce dernier ayant l’habitude d’être dans ce genre de poches.

Soudain, ses oreilles fines détectèrent un autre bruit en plus du feu. Il avait son baladeur. A fond en plus.
Black Dog déposa sa guitare près de la porte, et marcha à pas de loup jusqu’à son ami. Arrivé près de lui, il voulu lui foutre une sacrée trouille, mais finalement il s’abstint. Il attendit, ne sachant trop quoi faire.

Un jean plutôt élimé, un peu large et une superposition de t-shirts colorés, celui du dessous rayé de turquoise et de blanc, et celui du dessous, d'un vert presque électrique. Lui aussi avait les cheveux encore un peu humides quand il était arrivé, mais ils avaient séché entre temps par le feu.

Il n'avait pas entendu Black arriver. Forcément, puisqu'il avait son casque sur les oreilles et sa musique bien fort. Mais la lumière avait baissé, alors il s'était redressé pour remettre une bûche dans le feu. Et c'était en se réinstallant confortablement qu'il avait remarqué qu'il y avait quelqu'un près de lui. Il se retourna sans se presser, espérant quand même que ça n'était pas Makoto, parce qu'il n'avait pas envie de s'énerver maintenant, alors qu'il était tellement apaisé.

Et ses lèvres s'étirèrent en un sourire rayonnant quand il remarqua que d'une, ça n'était pas son nouveau copinou, et que de deux, il s'agissait de son pion préféré, c'est-à-dire Black, pour ceux qui n'auraient pas suivi. Le sourire se transforma en un sourire amusé, mais ne perdit rien de son éclat.

"Ben, je vais finir par croire que tu me poursuis…"

Il s'était redressé, et s'était assis sur l'accoudoir, de manière à faire face à Black. Ce ne fut qu'alors qu'il remarqua l'étui à guitare que le jeune homme tenait à la main. Après quelques secondes de réflexion, il se rendit comte que ça lui allait plutôt bien. Mais c'était un constat un peu stupide… Après tout, pourquoi jouer de la guitare irait bien à quelqu'un ? Mais bref. Se sortir de ces pensées débiles sans intérêt.

"Han, tu m'en joues ?"

De quoi ? Bah de la guitare, c'était plutôt évident. Surtout vu que son regard était encore posé sur l'étui de l'instrument. Il se décida finalement à quitter la gratte dans son étui des yeux et les posa sur Black, remarquant que sa tenue vestimentaire lui allait foutrement, mais vraiment foutrement bien. Ouh là…

Il avait l’air d’être tellement bien. Black s’en voulait un peu d’avoir fait intrusion dans ce moment de tranquillité. Enfin, c’était vite dit…

Et puis, Noa n’avait pas l’air de lui en vouloir, alors pourquoi s’en faire franchement ?

« Ben, je vais finir par croire que tu me poursuis… »
Heureusement que la pièce n’était pas très bien éclairée ou l’élève aurait vu le surveillant piquer un fard. Bien sûr que non il ne le suivait pas. Même les chiens ont leurs limites !

« Han, tu m'en joues ? » avait-il dit en regardant la guitare ?
« Hum, je veux bien ; pour te remercier de m’avoir prêté ton livre. » répondit Black en tirant la langue.
Il s’assit par terre, dos à l’accoudoir et dos à Noa par la même occasion.

Il attaqua une mélodie mineure, mais plutôt vive. Il espérait que Noa pourrait se re-poser et se reposer en bouquinant tranquillement.
Son propre esprit se détendait, chaque note avait une émotion propre : la joie, la tristesse, l’attente, l’angoisse, la conviction, l’espoir, le doute. C’était sa méthode pour évacuer et ne pas se laisser submerger.
Et, se plaisait-il à croire, ça marchait aussi sur les autres.

Tout près, le feu crépitait et leur offrait sa chaleur. Rien que pour eux deux.

Marrant, il avait accepté tout de suite. Noa n'était pas sûr qu'il l'aurait fait lui, si les rôles avaient été inversés. Mais il fallait dire que lui était un enquiquineur, et que s'il avait refusé, c'eut été juste pour le plaisir de se faire prier. Mais bon, Black avait accepté, et s'il était un chieur, il savait tout de même reconnaître une opportunité quand une se présentait. Et ça, c'en était une. Retirant ses écouteurs et coupant la musique, il s'installa plus confortablement alors que Black s'asseyait au sol, dos à lui.

Il ne continua pas sa lecture, mais bascula la tête en arrière, jusqu'à ce qu'elle touche l'accoudoir qu'il avait occupé quelques instants auparavant, et ferma les yeux. Après tout, on ne lisait pas pendant le concert de son groupe préféré, même si on était au dernier rang, n'est-ce pas ? Bah là, il avait juste envie d'écouter la musique, le livre dans une main, le pouce entre les pages, pour garder la sienne.

Il avait un rapport assez particulier à la musique, Noa-Kellig. Sa mère écoutait beaucoup de musique, et elle lui avait raconté un jour qu'alors qu'il était encore dans son ventre, il avait tendance à s'agiter beaucoup de temps en temps, lui envoyant quelques coups douloureux, et le seul moyen de le calmer, c'était de mettre de la musique très fort. Peu importe qu'elle fût douce ou rythmée, fœtus-Noa se calmait presque immédiatement.

Et la musique de Black avait un drôle d'effet sur lui. N'importe quelle musique l'eut détendu, mais celle-ci l'apaisait vraiment. Un peu comme quand Takeshi lui jouait du violon. Ils se ressemblaient bien trop, ces deux là. Il sentit ses muscles se détendre, et son esprit s'alléger. C'était un des effets que lui faisait la musique lorsqu'il ne faisait que se concentrer sur les notes. Même repenser au décès de son meilleur ami et aux conditions qui avaient entraîné celui-ci ne semblait plus aussi douloureux lorsque Noa avait atteint ce drôle d'état.

Oh oui, elle l'apaisait, l'étrange mélodie de Black, et si l'envie prenait à celui-ci de se retourner, il aurait une vision de Noa telle que ne l'avaient eu que peu de gens. Un sourire dénué de toute trace de provocation aux lèvres, léger cependant, mais reflétant un tel bien-être et apaisement qu'il semblait bien plus important qu'il ne l'était en fait. I était tentant Noa, ainsi abandonné.

Tout en continuant à jouer, Black se retournait de temps à autre pour voir la réaction de Noa. C’était inutile, car il percevait avec soulagement des ondes de paix. Le temps s’était arrêté autour d’eux. La musique, quand elle arrive à pénétrer les cœurs de cette façon, était vraiment une sorte bien particulière de magie.

Black avait réussi à créer une dimension rien qu’à eux. Il chérissait ce moment. Il se sentait utile. Toute douleur, toute angoisse était enfermée dans une prison d’obsidienne. Chaque note cristalline était le scintillement de la lumière des flammes sur ce cristal.

Son esprit dérivait, flottait. Il naviguait librement dans leur dimension exclusive. Il vit soudain, au loin, la silhouette de Noa. Mais quelque chose était bizarre. Il avait la tête baissée. Dormait-il ? Non, ce n’était pas ça. Quelle étrange vision. Il n’avait eu pour le moment que le visage souriant de son grand ami dans la tête. Il ne lui avait même jamais vu cette expression.

Black ouvrit les yeux. Il changea légèrement l’intonation et la vitesse de sa musique et prit la parole, d’un ton doux mais pénétrant.
« Pourquoi es-tu venu ici ? Dans cette école, je veux dire. »

Il fallait bien qu’ils finissent par apprendre à se connaître. Et s’ils étaient sur une longueur d’onde compatible en cet instant infini, c’était le moment où jamais. Quand les barrières faiblissent un peu.

Il ne s'était pas arrêté de jouer quand il avait posé la question. Ah, l'épineuse question, la délicate question, qui risquait de faire remonter de douloureux souvenirs. Mais une intuition, et une impulsion, et sans quitter sa posture, certainement inconfortable, mais dans laquelle il se sentait tellement à l'aise, il répondit.

"Mon meilleur ami… est mort."

C'était un début. Sa voix était légèrement hésitante. Et il fut parcouru d'un frisson lorsqu'il réalisa que c'était la première fois depuis le décès de Takeshi qu'il s'autorisait à prononcer la phrase honnie à voix haute. Ca lui fit comme un choc électrique, et il se redressa d'un coup, le regard un peu hagard, et les yeux se posant immédiatement sur la silhouette de Black. Il tendit une main dans sa direction, mais se ravisa.

Arrête, Noa, tu sais bien que ça n'est pas lui…

En se mordant la lèvre, il se laissa retomber en arrière, amer. Non. Ca n'était pas lui, parce que lui, il était parti, et il ne reviendrait pas. Takeshi faisait partie du passé, et Black ne devait pas devenir le substitut de son ami. C'eut été malsain. Très malsain. Bien trop… Alors, histoire de faire table rase du passé, et de partager la vie de Takeshi avec Black, comme pour rendre hommage à feu son meilleur ami, c'était certainement la meilleure chose à faire. Il inspira profondément, et reprit.

"Il s'est suicidé il y a six mois, et c'est pour ça que je suis là. J'arrive pas, là bas, sans lui…"

A l'entendre, on pourrait croire qu'ils étaient plus qu'amis. Mais c'était presque ça. Deux frères, qui complétaient leurs phrases et avaient toujours le même fil de pensée. Son double, un miroir aux contours indistincts. Toutes les bonnes choses qu'il avait vécues portaient la griffe de Takeshi. C'était lui qui l'avait poussé à essayer le basket, lui qui l'avait aidé à avoir de bonnes note pour ne pas redoubler, lui qui lui avait arraché sa première dent de lait. Lui qui lui manquait atrocement.

"C'était… Je savais pas, mais… Son oncle, il… il lui faisait des trucs."

Au ton dégoûté qu'il emploie, pas besoin d'un dessin pour comprendre de quel genre de 'trucs' il s'agit. N'importe qui ayant assez les pieds sur terre pour réaliser que ça existe pourrait comprendre de quoi il parle. Il ne cherche pas à censurer, mais les mots sont trop crus, et ne seyent pas au visage d'ange de Takeshi. Non. Vraiment pas…

"Il a voulu en parler à ses parents, mais… ils l'ont pas cru et ont commencé à le tabasser."

La voix qui se brise, légèrement.

"Et moi j'ai rien vu venir, putain…"

Les deux mains plaquées sur ses yeux, pour arrêter les larmes qui coulent d'elles-mêmes pour la première fois depuis longtemps. Non, il n'a toujours pas digéré, mais la musique apaise. Sans l'état dans lequel il était plongé, il n'aurait pas pu venir au bout. Un moment, il s'était posé la question : est-ce que Black avait remarqué qu'il pleurait ?

… Et puis qu'est-ce que ça changeait ? Il n'était pas qu'un petit con avec un sourire ironique aux lèvres. Il avait aussi une histoire, et elle était douloureuse. Et elle lui faisait mal. Vraiment. Alors tant pis si Black le voyait si rapidement entièrement à nu. Tant pis. Ca lui ferait du bien, certainement, de se rappeler qu'il est humain et que c'est normal, qu'il ait mal.

Il se doutait de ce qu’il allait provoquer. Il s’en doutait. Mais une intuition l’avait poussé à le faire. Alors il l’avait fait et avait résulté en une étrange hésitation dans la réponse, à laquelle le jeune blond ne l’avait jamais accoutumé…

Black continuait à jouer tandis que Noa racontait son histoire. Il savait qu’aucun mot ne pourrait le réconforter. Alors il jouait, et il écoutait, bouleversé. Il eu quelques flashes bien sûr quand Noa parla de son ami. Ce serait trop facile de transposer sa propre histoire sur sa tragédie. Trop facile, trop irrespectueux. Et surtout rien à voir. Néanmoins il avait mal à l’intérieur. Etait-ce par contagion ? Par compassion ?

Il se retournait pour jeter des petits coups d’œil et vit son ami essayer de cacher ses larmes. Sans grand succès. Il laissa alors sa guitare, se rapprocha de lui tout en fredonnant la mélodie qu’il jouait un instant plus tôt. Il mit sa main sur son épaule en forçant, quelque part, les vibrations que son torse émettait à pénétrer le cœur meurtri de Noa ; et par conséquent, en essayant d’absorber sa part d’ombre, sa douleur.

--- Encore. ---

Ils restèrent ainsi un moment infini, coupé de tout flux temporel, jusqu’à ce que son nouvel ami s’apaise. Impossible de guérir la culpabilité qui suivait une telle tragédie. Impossible de le débarrasser de ce sentiment d’impuissance face à l’horreur.

Black continua de chanter jusqu’à ce que Noa eut versé toutes ses larmes. Alors le jeune homme brun modifia sa position pour faire face aux yeux rougis et termina sa mélodie. Par un sourire doux qui allait essayer de recouvrir et protéger leurs deux cœurs brisés.

Pour mettre un terme à cette confusion, et permettre à Noa de retrouver son état et sa stabilité habituels, il devait l’encourager à passer à autre chose. Et pour cela…

« Des marshmallows ? En général on les fait au feu de bois, à l’extérieur, mais on peut essayer avec le feu de cheminée ! »

Et sans faire attention à l’ahurissement potentiel et compréhensible du jeune blond, Black sortit un paquet de friandises molles de son étui de guitare.

Aucun des deux ne remarqua que le collier de chien qu’il portait au cou s’était mis à refléter la lumière des flammes.

La mélodie jouée à la guitare s'était interrompue, mais Noa n'avait pas retiré ses mains de devant ses yeux. Il avait entendu Black la reprendre en la fredonnant doucement, et il l'avait senti s'approcher de lui. Une main incroyablement chaleureuse et douce s'était posée sur son épaule, et la mélodie continuait, incroyablement apaisante.

Mais au lieu de se calmer, il continua à pleurer, comme pour se purger de toute cette douleur et cette peine qu'il avait accumulées pendant des mois. Il ouvrait des vannes sur des émotions qui s'étaient accumulées pendant une demi années et qu'il n'avait jamais laissé remonter jusque là. Pour ne pas inquiéter sa famille, ses autres amis, et parce qu'il pensait pouvoir donner le change. Parce qu'il pensait que Takeshi n'aurait pas aimé le voir pleurer.

Ca faisait du bien, réalisa-t-il à sa grande surprise. Se permettre de tout laisser aller, comme ça, avec la présence rassurante de Black à ses côtés, et cette mélodie envoûtante qu'il continuait à fredonner. Il ne sut combien de temps ils restèrent ainsi, lui à sangloter en silence et son aîné à chanter doucement pour le réconforter sans user de mots. Mais il sentit ses hoquets s'espacer petit à petit, pour finalement disparaître. Quelques larmes coulèrent encore, silencieuses, et il se frotta les yeux pour essuyer l'humidité, et laissa retomber sa main sur son ventre.

Black bougea, il le vit cette fois, et lui fit face, finissant la chanson avec quelques notes encore, esquissant ensuite un sourire infiniment doux. Le genre de sourire franc et sincère, qui chauffait le cœur, pas ceux qui sont inspirés par la pitié de voir un garçon comme lui craquer et se mettre à chialer comme un gosse. Il se sentait touché par lui, à cet instant en particulier. Comment en si peu de temps quelqu'un dont il ne savait quasiment rien avait-il pu percer toutes ses défenses ?

Finalement, il se redressa un peu, remarquant que Black faisait de même, puis haussa les sourcils quand le jeune homme extirpa de l'étui de sa guitare un paquet de chamallows, proposant de les faire griller au feu de la cheminée. Malgré lui, Noa sentit ses lèvres s'étirer en un sourire amusé. Ce type là ne manquait décidément pas de ressources.

Le jeune blond accepta en hochant la tête, un sourire plus franc aux lèvres, malgré les yeux encore rougis et se laissa glisser au bas du fauteuil, s'installant en tailleur près de Black. Peut-être un peu trop près, mais là, il était bien loin de s'en soucier. La présence du jeune homme était tellement réconfortante que même si celui-ci se reculait, Noa reviendrait combler l'espace ainsi créé. Il avait juste besoin de quelqu'un près de lui à cet instant, et si c'était Black, avec qui tout semblait tellement facile, c'était encore mieux.

"T'avais prévu de t'enfiler tout le paquet tout seul en venant ici ?"

La voix était encore un peu hésitante, un rien tremblante, mais sa gorge n'était plus nouée, c'était déjà ça. Et puis il recommençait à plaisanter, c'était bon signe. Bah, le pire était passé. Maintenant, il ne restait plus qu'à clore la soirée en dégustant des marshmallows en compagnie de quelqu'un qui s'était déjà installé dans son cœur en tant qu'ami, ce qui était une prouesse, quand on connaissait Noa.

Black soupira intérieurement de soulagement quand il vit Noa se rasséréner un peu. Ce sourire insolent et amusé… c’était décidément ce qui allait le mieux à son ami !
Il avait quand même hésité à le réconforter. A le toucher. Il n’aimait pas faire intrusion dans l’espace intime d’autrui, que ce soit physique ou personnel. Mais là… il avait suivi son impulsion, et il s’en félicitait. Cela lui faisait du bien de voir que quelqu’un pouvait lui accorder sa confiance.

Et puis… il se sentait à l’aise. Il avait envie de donner le meilleur de lui-même, à croire que c’était un concours !
Ils dégustèrent ensemble les friandises chaudes, épaule contre épaule. En fin de compte, le feu n’était là que pour la lumière. La chaleur était déjà présente.

« Bah… j’admets que c’est mon péché mignon… même si je dois me restreindre à côté pour compenser ! Et puis… les meilleures choses se partagent non ? »

Ils continuèrent à blaguer, à discuter, de tout et de rien, à bâtons rompus. Ils évitaient les choses vraiment trop intimes, mais la conversation avait quand même pris une tournure très personnelle.

Un lien s’était créé, et au fil de la nuit qui s'avançait trop rapidement, un nouveau monde était en train de se tisser.
Un monde rien qu’à eux.

[Fin de l'épisode]